Il était un piano noir…

Il était un piano noirLa première fois que j’ai entendu Nantes, une grande émotion m’a saisie. Depuis, chaque fois que j’entends cette chanson, j’ai – dans le meilleur des cas – les larmes aux yeux. Outre celle-ci, nombre de chansons de Barbara et de chansons d’autres auteurs interprétées par Barbara me touchent profondément. Me sentant très proche des émotions transportées par ses morceaux, j’avais presque l’impression de connaître l’artiste. En réalité, après avoir découvert les mémoires interrompus de Barbara, je m’aperçois qu’il n’en était rien.

Les transports en commun sont un fantastique moyen de découvrir et de se cultiver. Une Plume qui profite de ses trajets en bus pour dévorer une grande quantité de livres, confirmerait ce point. Moi c’est en me préparant à un long trajet en train, que j’ai « podcasté », sur les recommandations avisées de mon conseiller personnel en lecture (bon ok, mon père), un feuilleton en dix épisodes, produit par France Culture reprenant des extraits des mémoires interrompus de Barbara, entrecoupés d’enregistrements de ses chansons.

Ce texte nous livre nombre de secrets, d’évènements, d’anecdotes de la vie de la dame en noir. On la découvre enfant puis ado nomade, jeune fille vivante et vibrante et enfin femme aimante et passionnée. Sa vie est très tôt guidée par une envie profonde de devenir une « femme qui chante » au piano et elle ne lâchera jamais ce rêve, même lorsqu’il fut réalisé. Il lui imposa parfois des décisions pouvant ressembler à des sacrifices. Mais vivre c’est faire des choix, et choisir, c’est forcément accepter de perdre. Barbara le savait et elle a choisi.

Les chansons de Barbara parlent de sa vie, des personnes et des lieux qu’elle a rencontrés. Si certaines sont très connues, comme Nantes que je citais plus haut ou Dis quand reviendras-tu, d’autres le sont moins. Éclairées par le replacement dans leur contexte, elles deviennent limpides de clarté. Elles nous parlent d’amour mais surtout elles nous parlent d’elle. Les mémoires de Barbara sont le prolongement de ses chansons. Elle décide de les écrire après avoir fait le deuil de la scène, alors que sa santé fragile l’empêche de remonter sur les planches. Pour Barbara alors, « Écrire, aujourd’hui, est un moyen de continuer le dialogue. ». Le ton choisi lui permet d’évoquer ses émotions avec pudeur mais sans artifice. Comme le font ses chansons, finalement.

Dans le feuilleton, le récit est présenté comme un dialogue entre Barbara et son piano noir, qui l’accompagne toute sa vie, virtuellement d’abord puis physiquement sur scène. Ce procédé radiophonique, qui rend le récit plus vivant, m’a donné envie de lire le livre (Il était un piano noir – Mémoires interrompus) en intégralité. Enfin, l’intégralité de ce que Barbara a eu le temps d’écrire avant sa disparation. Je viens d’en terminer la lecture. Pour ceux qui sont touchés par cette artiste, je vous invite à faire de même ou, si vous avez devant vous un long moment en train à meubler, je ne saurais trop vous conseiller de préparer votre trajet en téléchargeant le feuilleton ici.

Il était un piano noir

Plus jamais je ne rentrerai sur scène.
Je ne chanterai jamais plus.
Un soir de 1993, au Châtelet, mon cœur, trop lourd de tant d’émotion, a brusquement battu trop vite et trop fort, et, durant l’interminable espace de quelques secondes où personne, j’en suis sûre, ne s’est aperçu de rien, mon corps a refusé d’obéir à un cerveau qui, d’ailleurs, ne commandait plus rien.
J’ai gardé, rivée en moi, cette panique fulgurante pendant laquelle je suis restée figée, affolée, perdue.
J’ai dû interrompre le spectacle pendant quelque temps, puis définitivement…
Durant deux ans, j’ai fait le deuil d’une partie de ma vie qui venait brusquement se terminer.
Ecrire, aujourd’hui, est un moyen de continuer le dialogue.

10 réflexions sur “Il était un piano noir…”

  1. Si, effectivement, c’est le cas. Mais c’est quand même réservé à une certaine « élite » même si parfois les prix se veulent compétitifs. De plus cette prestation ne dessert que les voyages entre grandes villes. Mais c’est déjà un début, c’est évident. 😉

  2. …. Et en plus, pour les chanteuses et les chanteurs de « salle de bain » (j’en connais au moins une qui se revendique de cette appellation), on peut y aller de la voix sur nos chansons préférées comme celles de Barbara par exemple (pour ne pas trop dévier du sujet de cet article). On fait aujourd’hui de très bon playbacks/karaoké qui permettent même de remplacer l’artiste et de se prendre, le temps d’un trajet en automobile, pour une star de la chansonnette. D’ici à ce que la technologie nous permettent bientôt de jouer de la guitare, du saxo, du djembé ou du piano (noir) pendant que notre véhicule nous conduira automatiquement à l’adresse indiquée sur le GPS intégré, y’a pas loin. Pour peu que nous puissions nous connecter aux autres véhicules via internet, on pourra jammer avec son voisin d’embouteillage sans que cela pose de problème. Des autoroutes orchestrales en quelque sorte….. Quel pied pour les gendarmes ! 😀

    Bref, Barbara c’est super, avec ou sans technologie, et c’est à écouter sans modération. 🙂

  3. Outre le fait que la vie et l’œuvre de Barbara méritent vraiment qu’on s’y penche de très près, il est à noter que France-Culture est une radio des plus intéressantes à écouter. Il faut bien évidemment avoir le temps d’y prêter une oreille – ou bien les deux, pourquoi pas ? 🙂 – et d’y choisir les émissions qui nous parlent. Comme les sujets sont assez variés et y sont tous traités avec beaucoup d’intelligence, de hauteur et de « culture » au sens propre du terme, c’est vraiment, à mon sens, une radio à écouter sans mesure. Ce qui n’empêche pas d’écouter aussi les autres afin de varier les plaisirs selon les moments et nos états d’esprits. J’ajoute également que la radio est bien plus porteuse de rêve que la télévision puisque seules nos oreilles, en relation directe avec nos esprits, sont sollicitées. L’image parlante n’apporte pas (toujours à mon sens) les mêmes ressentis ni la même approche culturelle. La radio et la lecture sont finalement assez proches l’un de l’autre…

    1. Bonjour Philou, je te rejoins dans le fait que la radio n’a rien à envier à la télévision. La radio nous permet de poser nos propres images (ou pas), la télévision au contraire nous impose des images. Un autre intérêt de la radio – et je l’écrit, un peu par provoc, en sachant que cela va faire bondir les défenseurs du moment présent et de l’activité monotâche – c’est qu’on peut faire autre chose en même temps. La radio n’a pas l’effet « zombifiant » (je vérifierai l’existence de ce mot dans le dictionnaire) de la télé. J’ai dit « on peut », hein ! Bien sûr on n’est pas obligé de faire autre chose en même temps, mais la radio nous laisse cette liberté.
      Plus encore que la radio, j’apprécie le fait de pouvoir « podcaster » les émissions que je préfère pour les écouter au moment où j’ai envie. J’avoue que j’apprécie tout particulièrement de les écouter dans ma voiture quand j’ai des trajets un peu longs à faire, ce qui depuis quelques temps est assez fréquent. Ces émissions me tiennent compagnie, me divertissent, m’interpellent, me cultivent… sans m’empêcher de me concentrer sur ma conduite, bien au contraire. Elles évitent la somnolence et la distraction et me ramènent, finalement, à l’instant présent. Ouf !

  4. Oui, nous sommes beaucoup à l’aimer la longue dame brune; et ses « Mémoires interrompus » agissent comme un révélateur, comme la clé d’une énigme. A leur lecture (ou à leur écoute :), Göttingen ou Une Petite Cantate (par exemples) prennent un relief tout particulier. Désormais la petite histoire de la chanson ou le drame qui l’a inspirée seront toujours là en filigrane.
    J’ai pour ma part découvert également l’engagement de Barbara dans la lutte contre le sida. Sa chanson « Si d’amour à mort » qu’elle chantait, dans les prisons notamment, en pleine période d’hécatombe par la maladie, est d’une force incroyable :

     » Si s’Aimer d’Amour,
    C’est mourir d’Aimer,
    Sont mourus d’Amour,
    Sida Sidannés,
    Les Damnés d’Amour,
    A mourir d’Aimer,
    Ils sont morts d’Amour,
    D’Amour Sidanné,

    O Sida Sida,
    Danger Sida,
    O Sida Sida,
    Sid’Amour à Mort,
    O Sida, Sid’assassin recherché,
    Mais qui a mis l’Amour à Mort,
    (…)
    Les Damnés d’Amour,
    A vouloir s’Aimer,
    Ils sont morts d’Amour,
    Sid’assassinés. »

    Quand une plume est tenue par une voix cela donne … Barbara.

    1. Merci Boumic.
      Oui, c’est vrai moi aussi j’ai découvert les actions de Barbara contre le sida ainsi que cette chanson. Même si cette dernière est sombre et grave et malgré le caractère triste ou nostalgique de nombreuses chansons de Barbara, j’ai découvert une artiste vivante et légère, pleine d’humour et d’une joie de vivre pour lesquelles elle n’est pas très connue. On s’imagine toujours, parce qu’on la connait comme la « dame en noir » qu’elle était austère, il semble plutôt qu’elle ait aimé la vie comme peu de personnes.

  5. En tant que co-rédactrice de ce blog, j’ai l’immense avantage d’avoir la primeur des articles d’Une Voix surtout quand, comme celui-ci, ils sont écrits quelques jours avant leur publication. Du coup j’ai eu le temps d’écouter les podcasts (à défaut de lire le livre) ces derniers jours. Et je vous invite à mon tour à les écouter !
    Je ne connaissais pas les chansons de Barbara, juste les classiques comme Petite Cantate, Dis quand reviendras-tu, l’Aigle Noir et celle sur l’enfance… Cette dernière que je n’écoute jamais, sous peine de pleurer à coup sûr. J’ai aussi toujours le souvenir, les images de ce jour où, petite fille solitaire, je chantais et mettais en scène « L’aigle noir » dans ma chambre. Les autres je les découvre avec plaisir, ainsi que le caractère volontaire de la dame.
    Bref, j’aime ! Et vous ?

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