Ecrire

Être lue

WriteLa difficulté n’est pas d’écrire. Met une feuille devant moi (un peu de temps aussi) et j’écrirai. La difficulté n’est pas là. La difficulté c’est d’écrire quelque chose de lisible.

Mais pourquoi vouloir être lue ?

Certains disent qu’en écriture il faut d’abord penser au lecteur, il faut imaginer le lecteur, savoir ce qu’il veut entendre, et écrire chaque mot, chaque phrase dans le souci de ces yeux qui vont lire, de ce cerveau qui va interpréter, de ce cœur qui va ressentir. Certes. Mais quand on n’écrit pas pour un lecteur particulier, ou du moins un type de lecteur particulier ? Quand on veut plaire à tout le monde, enfin, presque tout le monde, puisque l’on sait bien que tout le monde c’est impossible… Ou plutôt, quand, avouons-le, on n’écrit pas pour un lecteur. Non. On écrit, égoïstement, pour soi, rien que pour soi, pour sa propre satisfaction, par simple amour des mots et de les laisser naitre et s’épanouir en phrases diverses. Pour ces heures sombres de la nuit où le monde autour de nous cesse d’exister au profit de celui qui habite notre tête et vient s’exprimer en un envol léger (ou à lourdes pelletées !).

Quand, donc, je me contrefiche du lecteur (et je te prie humblement de m’en excuser, mais soyons franche, à l’heure où j’écris ces mots je ne sais rien de toi, et fort probablement je ne saurai jamais rien de toi, à part ce petit incrément sur un nombre m’indiquant que quelqu’un m’a lu, et encore en admettant qu’il n’ait pas juste ouvert la page avant de la refermer sans un regard pour les phrases, déjà atterré à la lecture de la première et bien plus préoccupé par d’autres de ses histoires que par les divagations d’une illustre inconnue se faisant plaisir dans une logorrhée sans utilité reconnue… Et toc !). Quand, disais-je, peu m’importe qui me lit… Pourvu que je sois lue ! Ah, c’est là que le bât blesse, j’écris pour écrire, j’écris pour me faire plaisir, j’écris pour ce plaisir particulier des instants de création, mais j’écris aussi pour être lue. Sauf que je me fiche de savoir par qui. Tant que le lecteur existe, tant qu’il aime ce qu’il lit, ou du moins n’y est pas indifférent.

Mais, dis, pourquoi vouloir être lue ?

Est-ce un relent de narcissisme, un besoin atavique de reconnaissance, une avide envie d’exister mais qui passe par le regard d’autrui ? Je dirais, même pas. Peut-être en partie, mais même pas quand même. Car je suppose que cela voudrait dire que je veux être connue, en tant que moi, or je me fiche que l’on sache qui se cache derrière les mots. Je me fiche que l’on connaisse mon nom, peu m’importe que l’on me reconnaisse. Que dix, cent, mille, cent mille personnes m’aient lue sans que je ne sache rien d’elles que le fait de leur lecture et sans qu’elles sachent qui je suis, très bien, ça me convient, les mots ont été lus.

Mais, j’insiste, pourquoi vouloir que les mots soient lus ?

Pourquoi ne pas se contenter de les jeter sur le papier en une danse libératrice, un peu comme celle des mots des journaux dits « intimes », ceux que l’on donne en pâture à des feuilles qui n’auront jamais le droit de les exposer, ceux que l’on espère peut-être voir détruits avec nous, ceux qui demeureront cachés ? Pourquoi espérer plus que les écrire ?

Pour gagner sa vie avec sa plume ? Je pense que l’on sait bien le peu d’élus sur ce terrain-là, le but n’est que rarement là. Alors on les écrit, on les publie d’une façon ou d’une autre, on transforme des heures en lignes et on les offre à qui voudra bien les parcourir. On sacrifie de notre sommeil, de nos loisirs, de nos moments partagés avec des êtres chers pour aller communier avec le papier, pour laisser sortir ce qui veut s’écrire. Et on espère un improbable lecteur, quelqu’un qui nous dira « encore ». Qui nous dira « vas-y, j’aime lire ce que tu écris ! ».

Sauf que, ça ne m’explique toujours pas pourquoi vouloir être lue ?

Le pourquoi est-il vraiment important ? As-tu besoin à chacun de tes frémissements, chacune de tes émotions, chacun de tes désirs de trouver une cause, une source ? Quand cette avidité là t’est viscéralement chevillée au corps, que toutes les barrières que tu as érigées entre elle et toi n’y font rien, qu’elle revient en un lancinant refrain laissant à peine la place à quelques couplets apaisés, que peut bien valoir le pourquoi ? Mets à bas les barrières, écris, sois lue, ou ne le sois pas, mais fais ce que tu aimes, ce qui te fait te sentir vivante, ce qui t’indique que tu existes…

A tout hasard, toi qui m’as fait le plaisir de lire jusqu’au bout, saurais-tu me répondre ? Pourquoi veux-je donc être lue ?

9 réflexions sur “Être lue”

  1. Pourquoi souhaitez-vous être lue ? Peut-être simplement parce que vous avez besoin de reconnaissance, peut être est ce simplement parce que votre prose vous plaît et que vous aimeriez qu’elle plaise à d’autres. Quoi de plus humain qu’être reconnu par ces pairs ? J’ai 45 ans j’écris depuis l’âge de 12 ans. Encore aujourd’hui grâce à ce don, car c’en est un, je conserve mon côté enfant, enfant grandissant, ayant grandi, bref, je trouve le temps de m’apprecier. Je rêve qu’un éditeur charmant sur son cheval blanc lise mes livres et mes poèmes et les édite.
    Mais l’essentiel est simplement d’aimer nos écrits, d’y associer un esprit critique et si d’aucun nous lirait profitons en.
    Bien à vous

    1. Bonjour,
      Une réponse tardive… Avant de pouvoir être lue, il serait temps de me remettre à écrire !
      Merci en tout cas pour ce partage, je suis entièrement d’accord avec votre vision de l’essentiel : aimer nos écrits et garder l’esprit critique. Et surtout, aimer écrire, continuer à éprouver cette joie particulière de la création !
      Bonne journée !

  2. Être lu, c’est exister là où on n’existait pas encore.. Et laisser une trace dans une mémoire autre, bien qu’on ne sache pas précisément où; là est le mystère. Mais l’écrit traverse le temps, l’espace, et s’enracine ailleurs, pensée-germe, fleur ou ronce, mais immortelle puisque vivante, présente.
    Écrire pour être lu, c’est une façon de survivre à soi-même…

  3. Ne serait-ce pas simplement un besoin (altruiste) de partager quelque chose : une idée, un conseil, un coup de gueule, pour en faire « profiter » le lecteur.
    C’est aussi vouloir partager l’amour des mots, comme le fait le pète quand il sculpte ses vers. Faire entendre ce que dit la plume, comme ce que dit la voix, la mélodie des mots comme celle des notes;
    Écrire sans désir d’être lue, ce serait comme prêcher dans le désert, parler à un mur …
    Alors finalement, rien de plus normal que de vouloir être lue.
    A bientôt de te lire .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut