La versification (structure des vers)

© Loïc ForetLes différents types de vers

Parmi les règles de l’écriture de poésie, une des premières contraintes est l’écriture sous forme de vers. Chaque vers est une ligne du poème. Cette ligne peut-être plus ou moins longue, et sa longueur ne se mesure pas au nombre de mots mais au nombre de syllabes total que contient le vers. Ces syllabes sont aussi appelées « pieds ». Ainsi dans le vers:

C’était ce jour haï où je dus tout quitter.

Nous comptons douze syllabes, donc douze pieds:

C’é_tait_ce_jour_ha_ï_où_je_dus_tout_qui_tter.

Pour ceux qui se poseraient la question, oui les exemples de cet article seront tirés de mes propres écrits! En général ma muse personnelle me souffle des vers directement avec le bon nombre de pieds, en tout cas pour les deux premiers vers qui éclosent dans ma tête sans crier « Gare! ». Et c’est une facilité dont je profite, même si les vers suivants me demandent plus d’efforts pour cadrer avec ce premier choix. Ma muse aime les vers longs, elle me parle généralement en alexandrins, plus rarement en décasyllabes. Ah mais je ne vous ai pas dit! Les vers ont des petits noms en fonction de leur nombre de pieds:

12 syllabes et c’est un ALEXANDRIN. Lourd, riche, bavard, hautain, noble. Il_a_ge_lé_en_en_fer_pen_dant_de_longs_mois.

10 syllabes forment le DECASYLLABE. Moins usité, tranquille, posé. Mais_sa_dou_leur_ne_veut_lais_ser_par_aitre.

8 syllabes pour trouver l’OCTOSYLLABE. Le plus ancien vers de la poésie française, léger, chantant, gai, direct. L’a_bri_de_l’é_crin_de_tes_bras.

Voilà pour les plus courants, bien sûr vous pouvez rencontrer à l’occasion des HEXASYLLABE (6 pieds), plus souvent en chanson d’ailleurs; voire des vers avec un nombre de syllabe impair (comme chez Verlaine et Jean de la Fontaine). Je n’en cite que le nom, ne m’y étant jamais risquée:

9 pieds = 1 ENNEASYLLABE
7 pieds = 1 HEPTASYLLABE
5 pieds = 1 PENTASYLLABE
3 pieds = 1 TRISYLLABE
2 pied = 1 DISSYLLABE
1 pied = 1 MONOSYLLABE

Le décompte des syllabes

Aurais-je laissé à entendre que le décompte des pieds consiste uniquement à compter le nombre de syllabes? Que la seule règle pour former un alexandrin est d’avoir douze pieds? C’est en fait un petit peu plus complexe que cela… D’abord parce que la langue française comporte une lettre qu’elle adore: le « e ». Lisez juste ma phrase précédente, ou même celle que j’écris là, et comptez le nombre de « e »!  Regardez aussi le nombre de prononciation de ce « e » dans ces quelques phrases, il y a du « e », du « é », du « è », et même (!) du « ê ». Je ne connais pas assez les langues pour en avoir la certitude, mais il me semble que c’est une spécificité française, en tout cas de mes souvenirs de l’espagnol, par exemple, le « e » se prononce « é » tout le temps, et se rencontre plus rarement…

1/ Le « e » muet

Donc le « e » vient modifier le décompte des syllabes, en effet il peut être « muet ». Si les « é », « è » et « ê » sont toujours prononcés, avez-vous remarqué que mon décasyllabe finissait par « paraitre » et que je ne comptais que deux syllabes pour ce mot? En effet le « e » à la fin d’un vers est un « e » muet qui ne compte pas pour une syllabe, cela s’appelle l’élision. Il constitue d’ailleurs ainsi une rime féminine, ah mais je m’égare! Ce sera le sujet d’un prochain article sur les rimes…

Revenons à mon « e » muet qui ne compte pas comme un pied à la fin d’un vers. Que se passe-t-il lorsqu’il est dans le vers? Comme dans:

Et il s’appelle Doute et il est mon fardeau

Bon exemple (oui oui j’en suis fière!) car il comporte les deux cas d’école: le « e » muet qui compte et celui qui ne compte pas. Le « e » muet sera compté lorsqu’il précède une consonne, et ne sera jamais compté lorsqu’il précède une voyelle (et, comme déjà dit, lorsqu’il est en fin de vers). Ainsi le décompte ici sera:

Et_il_s’a_ppe_lle_dou_t(e)et_il_est_mon_far_deau

Et c’est donc un alexandrin. Enfin… Si on se dit qu’un alexandrin = 12 pieds et hop c’est bon. Sauf que l’alexandrin, noble, comme je le disais, est plus exigeant que cela… Je vous explique juste après, finissons-en d’abord avec le décompte des pieds.

2/ Diérèse et synérèse

Vous êtes encore là?  Chapeau! Ces deux mots, que vous utilisez bien sûr quotidiennement, je n’en doute pas, ne sont en fait que les deux façons de prononcer une diphtongue.
La diérèse consiste à prononcer de façon séparée les deux termes de la diphtongue.
La synérèse est le fait de prononcer les deux termes de la diphtongue dans la même syllabe.
Prenez le mot affection par exemple. Vous faites une diérèse si vous le prononcez a_ffec_ti_on, et une synérèse si vous le prononcez a_ffec_tion. Et donc dans un cas il représente quatre pieds, dans le deuxième trois pieds. À prendre en compte donc dans l’écriture et la prononciation de vos vers!

Les césures

Pour finir sur la structure d’un vers, il reste à parler des césures. La césure est une pause dans le vers. Les vers sont généralement construits en deux versants séparés par cette césure. Ces versants sont appelés des hémistiches. L’endroit où doit se trouver cette césure est déterminé pour les grands vers (alexandrins et décasyllabes). Et c’est là que vous verrez que mes alexandrins cités précédemment n’en sont pas, malgré leurs douze pieds!

Concernant le décasyllabe, la césure se trouve obligatoirement entre deux mots, soit après le quatrième soit après le sixième pied. On aura ainsi un hémistiche de 4 pieds et un de 6 pieds. Si je reprends mon exemple, la pause est donc soit après « douleur » (Mais sa douleur_ne veut laisser paraitre) soit après « veut » (Mais sa douleur ne veut_laisser paraitre).

Concernant l’alexandrin, la césure se trouve obligatoirement après le sixième pied et partage le vers en deux hémistiches de 6 pieds. Comme dans celui-ci: Nous lançant en avant_en un rythme implacable.

Et voilà, vous savez maintenant construire un vers, alexandrin, octo ou décasyllabe… Il nous restera à les organiser en poèmes, à les faire rimer, voire à leur donner des sonorités particulières. À bientôt donc!

2 réflexions sur “La versification (structure des vers)”

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  2. ………… Je savais bien que ça faisait mal la césure !!! :))
    Tout cela est très intéressant bien que semblant peut-être un peu compliqué. Néanmoins, pour les amateurs (ou amatrices) de poésie chantée et ceux (ou celles 🙂 ) qui mettent des paroles en musique, c’est beaucoup plus parlant. Bien que la poésie parlée ait un rythme lorsqu’on la déclame (le slam en est, de nos jours, un bon exemple), lorsqu’on chante des paroles toutes ces explications sont de mise. Merci donc pour toutes cette belle explication très fournie. On sent la maîtrise. 😉
    Pour un peu illustrer ton article, j’ai retrouvé ce poème de Mr. Charles Cros, poème qu’on apprenait à l’école du temps où les filles et les garçons ne s’étaient pas encore mélangés sur les bancs scolaires (avant le drame quoi….. :)) ) :

    LE HARENG SAUR

    Il était une fois un grand mur blanc -nu, nu, nu,
    Contre le mur une échelle – haute, haute, haute,
    Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec.

    Il vient, tenant dans ses mains – sales, sales, sales,
    Un marteau lourd, un grand clou – pointu, pointu, pointu,
    Un peloton de ficelle – gros, gros, gros.

    Alors il monte à l’échelle -haute, haute, haute,
    Et plante son clou pointu – toc, toc, toc,
    Tout en haut du grand mur blanc – nu, nu, nu.

    Il laisse aller le marteau – qui tombe, qui tombe, qui tombe,
    Attache au clou la ficelle – longue, longue, longue,
    Et, au bout, le hareng saur – sec, sec, sec.

    Il redescend de l’échelle – haute, haute, haute,
    L’emporte avec le marteau – lourd, lourd, lourd,
    Et puis, il va ailleurs – loin, loin, loin.

    Et, depuis, le hareng saur – sec, sec, sec,
    Au bout de cette ficelle – longue, longue, longue,
    Très lentement se balance – toujours, toujours, toujours.

    J’ai composé cette histoire – simple, simple, simple,
    Pour mettre en fureur les gens – graves, graves, graves,
    Et amuser les enfants – petits, petits, petits. »

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